Licenciements boursiers : fantasme ou réalité ?

La question des cours de Bourse ou celle des profits ?

Dans sa conception la plus réduite, l'expression « licenciements boursiers » est utilisée pour dénoncer des licenciements collectifs (ou la simple annonce de ces licenciements) lorsque ceux-ci sont suivis d'une hausse du cours de Bourse des actions d'une entreprise qui s'apprête à licencier.

Le fait que l'annonce de licenciements ait pour objectif une hausse des cours de Bourse, ou même qu'une telle annonce soit généralement suivie d'une hausse des cours de Bourse, n'est pas prouvé statistiquement. Il est ainsi indiscutable que les cours des actions Michelin, dont l'équipe dirigeante annonça en 1999 le licenciement de 7500 personnes, gagnèrent 12 % en une seule séance de Bourse, mais cette hausse ponctuelle fut totalement absorbée dans la semaine qui suivit l'annonce.

Ce qui choqua l'opinion publique d'alors (ainsi que dans de nombreux cas similaires, comme ceux des sociétés Danone, Moulinex, Hewlett-Packard), ce n'est pas tant la question d'une connexion entre une hausse des cours des actions et l'annonce de licenciements, mais plutôt le fait que ces licenciements aient pu avoir été décidés alors que les entreprises concernées était bénéficiaires : au 1er semestre 1999, la société Michelin avait annoncé une hausse de 20 % de ses bénéfices.

Par extension, l'expression de « licenciements boursiers » désigne donc la situation d'une entreprise qui procède à des licenciements collectifs alors qu'elle réalise pourtant des bénéfices - aucun besoin de réduction des coûts de personnel ne se faisant pressant - et/ou qu'elle distribue des dividendes à ses actionnaires.

 

Quid de la loi

La loi française exige depuis 1987 (dans une démarche d'assouplissement des précédentes dispositions d'autorisation administrative préalable à tout licenciement) que tous les licenciements de plus de 10 salariés effectués par une entreprise de plus de 50 salariés en passent par un « Plan de Sauvegarde de l'Emploi », comportant des garanties de reclassement et de formation (pendant un certain laps de temps) des salariés licenciés.

Les dispositions d'un tel PSE coûtent cher, ce qui explique soit dit en passant que la visée d'une remontée rapide des cours de Bourse semble illusoire. Dans la cas récent de la fermeture d'une usine Continental, 50 millions d'euros auront été ou seront dépensés par l'entreprise « en échange » du départ de 1120 salariés.

Pourtant, ces dépenses de court terme sont nécessairement inférieures au coût de moyen et de long terme du maintien dans l'emploi des salariés concernés, et là encore, c'est la situation précédemment bénéficiaire de l'entreprise qui a décidé des licenciements qui a pu choquer à juste titre l'opinion. La loi de 1987 prévoit que des licenciements sont effectués face à des « difficultés économiques » rencontrées par une entreprise.

Différents arrêts de la Cour de cassation, intervenus depuis 1995, valident pourtant comme motif de licenciement économique la « sauvegarde de la compétitivité d'une entreprise ». L'argument le plus classique en cette matière est que si certains licenciements « stratégiques » ne sont pas effectués en période de profits, la situation future d'une entreprise (et donc de tous ses salariés) serait mise en danger. Selon un modèle d'évaluation des actifs financiers qui a une influence plus ou moins déterminante sur les cours de Bourse, les cours d'une action baissent lorsque la « rentabilité exigée » par ses actionnaires n'est pas atteinte.

Cette « rentabilité exigée » est en tout cas une réalité. Dans cette mesure, des licenciements peuvent être prononcés alors qu'une situation de rentabilité (moindre que celle qui est escomptée) est déjà établie.

 

Enjeux politiques des licenciements boursiers

En France en 2010-2011, à la suite de licenciements dont des salariés d'entreprises pourtant bénéficiaires ont fait l'objet (Molex, Continental, Good Year), le projet du parti socialiste s'est emparé de la question des licenciements boursiers, proposant de pénaliser financièrement les entreprises « licenciantes » qui distribueraient des dividendes avant ou après des licenciements collectifs, ou encore d'instaurer une procédure en référé devant le tribunal de commerce pour permettre aux salariés et à leurs représentants de s'opposer à toute procédure de licenciement qui serait réalisée par une entreprise bénéficiaire.

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Arnaud Jeulin Responsable de la publication, Trader

Après un diplôme d'ingénieur, Arnaud a commencé une carrière de développeur. Il a travaillé avec des traders et des services de back office pour mettre en place des prototypes et des outils de trading. Il a ensuite créé sa propre entreprise en 2003.

Il a été responsable du webmarketing pour la Banque en ligne Suisse Synthesis, depuis rachetée par Saxo Bank. Il a aussi fait des audits pour différents brokers et participé à plusieurs salons professionnels pour les courtiers à Londres, Paris et Chypre.

Depuis 21 ans Arnaud a approfondi sa connaissance des brokers et des marchés, il utilise son expérience pour améliorer Mataf afin d'éviter d'orienter les visiteurs vers des brokers malhonnêtes ou des stratégies de trading dangeureuses.

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