Les immobilisations : elles sont devenues stratégiques

C'est un poste très important, généralement scindé en deux catégories. Les immobilisations corporelles, qui regroupent terrains, constructions, outillages et équipements nécessaires à la production, et les immobilisations incorporelles, qui concernent les biens non matériels : brevets, marques et aussi, jusqu'à récemment, les « survaleurs ».

Qu'est-ce qu'une survaleur ? C'est la constatation d'un écart de valeur entre d'une part le prix payé pour un actif et sa valeur réelle. Cet écart apparaît à l'occasion, par exemple, d'un rachat d'entreprise. Il représente le coût qu'accepte de payer l'acheteur pour mettre la main sur un savoir-faire, une marque, un brevet...

Ces survaleurs (que les anglo-saxons appellent « goodwill ») pouvaient jusqu'à récemment être amorties sur plusieurs années. Ce n'est plus le cas depuis la mise en place des normes comptables internationales IFRS. Désormais, ce « goodwill » est considéré comme un actif. Il est diminué des amortissements et des pertes de valeur antérieurs. Et au lieu d'être amorti, il est comptabilisé tous les ans à sa valeur de marché. La différence entre les deux systèmes est énorme. Avant, on « lissait » la perte de valeur comptable sur plusieurs années. Maintenant, on l'acte aussitôt, dans les comptes de l'année suivante...

Ce système, dit « de juste valeur », concerne toutes les immobilisations de l'entreprise. Par exemple, si un groupe possède des actions d'une autres sociétés, celles-ci devront être réévalues régulièrement. Si la différence d'une année sur l'autre est négative (la valeur a baissé), la société doit passer cet écart en charges, dans le compte de résultat. Cela a bien sur un effet immédiat sur le résultat, surtout pour les sociétés fortement capitalisées ou ayant de nombreuses participations cotées...

Les entreprises qui appliquent les normes comptables internationales (IFRS) doivent aussi soumettre toutes les autres immobilisations corporelles et incorporelles ayant une durée d'utilisation (p. ex. logiciels, coûts de développement, parfois actifs fiscaux en partie différés sur pertes reportées) à des tests de dépréciation. Ceux-ci ne sont pas systématiques, mais ils s'imposent à chaque fois que des indices internes et/ou externes laissent présager d'une perte de valeur.

Pour l'actionnaire, comme pour l'entreprise, ce système de la juste valeur (« fair value » en anglais) est assez catastrophique, car ces variations de valeurs amènent les entreprises à constater des pertes énormes, alors même que leur activité est bonne. Le meilleur exemple est celui des banques et des emprunts de « pays à risques ». Les banques possèdent dans leurs comptes des emprunts de pays de la zone euro en situation budgétaire périlleuse.

Que survienne un événement macro-économique sur le marché obligataire, et la valeur de ces actifs doit être adaptée, même si le risque de non-remboursement est faible. Imaginons que la dette du Portugal soit considérée comme « à risque ». Compte tenu de l'envolée des taux portugais qui s'ensuit, la valeur de marché des obligations d'état portugaises pourra baisser de, par exemple, 20%.

Cela veut dire que les banques qui détiennent des obligations portugaises et appliquent les normes IFRS devront passer une charge (une perte) de 20% sur leurs titres. Pourtant, ces banques n'ont pas l'intention de vendre leurs titres, qui seront remboursés dans quelques années, vraisemblablement au pair (à leur valeur faciale), c'est-à-dire sans perte de capital.

Les banques vont donc grever leurs résultats de cette perte. Quelques années plus tard, elles pourront constaté que la dette portugaise n'est plus décotée, et réévalueront leurs lignes, actant un profit... qu'on peut considérer comme aussi fictif que la perte enregistrée auparavant.

Conclusion : cette façon d'ajuster la valeur des actifs augmente la volatilité des profits et dont celle des marchés... Qui n'en ont pourtant pas besoin !

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Arnaud Jeulin Responsable de la publication, Trader

Après un diplôme d'ingénieur, Arnaud a commencé une carrière de développeur. Il a travaillé avec des traders et des services de back office pour mettre en place des prototypes et des outils de trading. Il a ensuite créé sa propre entreprise en 2003.

Il a été responsable du webmarketing pour la Banque en ligne Suisse Synthesis, depuis rachetée par Saxo Bank. Il a aussi fait des audits pour différents brokers et participé à plusieurs salons professionnels pour les courtiers à Londres, Paris et Chypre.

Depuis 21 ans Arnaud a approfondi sa connaissance des brokers et des marchés, il utilise son expérience pour améliorer Mataf afin d'éviter d'orienter les visiteurs vers des brokers malhonnêtes ou des stratégies de trading dangeureuses.

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