Analystes financiers : leur poids réel

Chacun a pu constater que chaque séance boursière est ponctuée d'une succession d'analyses portant sur des entreprises cotées. Ces avis sont émis par des bureaux d'analyses boursières. La France en compte une quarantaine d'importance très variable.

Le but de ces bureaux est d'étudier et de sélectionner les entreprises qu'ils recommandent à l'achat ou à la vente aux clients (sociétés de gestion, sociétés d'investissement, compagnies d'assurance et particuliers), qui la reçoivent généralement gratuitement en tant que client de la société de courtage, soit, plus rarement, la paient sous forme d'abonnement afin de s'épargner ainsi le coût de la création de leur propre bureau d'analyse.

Des Vedettes du Show-biz ?

Aux Etats-Unis, certains de ces analystes sont devenus de véritables vedettes du show-biz et sont régulièrement interrogés à la télévision ou dans les journaux sur leurs prévisions. La prévision est en effet l'essentiel de leur travail. Il prend la forme d'un rapport de recherche. Celui-ci contient trois voire quatre éléments clés. Le principal est la recommandation d'achat ou de vente. Elle est basée sur une échelle propre (achat, neutre, vente, sur pondérer, sous pondérer, sur performance, sous performance, etc.).

S'y ajoutent généralement des prévisions sur les résultats comptables des exercices futurs, plus un rapport étayant les éléments précédents. Certains analystes y ajoutent un « cours cible », ou un « objectif de cours », qui détermine le cours de bourse en deçà duquel le titre peut être considéré comme sous-évalué. Pour établir ce rapport, les analystes ont fait la synthèse des informations dont ils disposent : environnement macro-économique, informations délivrées par l'entreprises elle-même, interview des clients et des fournisseurs qu'ils ont interrogés.

Le problème, c'est que ces prévisions de bénéfices par actions font preuve d'une grande irrégularité. Certains chercheurs ont tenté de les justifier en évoquant un « biais cognitif » (ils ont tous la mêmes formations, travaillent selon les mêmes méthodes et arrivent donc aux mêmes conclusions) et l'influence d'incitations économiques directes et indirectes.

De récents scandales, comme l'affaire Enron aux USA, ou l'éclatement de la bulle Internet en 2001, ont ainsi permis de découvrir les liens troubles qui unissent les services d'analyse, pourtant sensément indépendants, de leurs employeurs, les sociétés de courtage et, derrière elles, les grandes banques d'affaires. S'en est suivi toute une série d'accords et de nouvelles réglementations des autorités de contrôle, afin de renforcer l'indépendance de cette recherche financière. Force est de reconnaître que l'on est encore loin du compte...

Des avis très intéressés

En effet, le système n'a fondamentalement pas été remis en cause : les rapports des analystes servent surtout à générer des commissions pour les courtiers, qui constituent une source de revenus essentielle pour leurs maisons mère, les grands établissements financiers. Et les analystes peuvent se retrouver en conflit d'intérêt lorsque leurs rapports peuvent influer sur les titres qu'ils suivent, alors que d'autres départements de la banque sont en affaires avec la banque ou négocient des titres de la société ou du même secteur pour compte propre.

Ces situations conduisent systématiquement les analystes à recommander l'achat et rarement la vente des titres qu'ils suivent

Surtout, toute une série d'études ont démontré que les analystes financiers n'avaient... pas d'utilité. Dès 1933, un chercheur, Afred Cowles a montré que les analystes ne sont ni capables de prédire les évolutions futures des titres qu'ils suivent ni celles des marchés de capitaux en général : on se demande bien pourquoi les banques dépensent des fortunes pour maintenir ces services qui n'ont aucune utilité ?

Un deuxième chercheur, James Womack, a donné la réponse en 1996 : les analystes génèrent des volumes de transaction à travers leurs modifications de recommandations et assurent davantage de liquidité au marché en attirant des investisseurs novices ou peu sophistiqués, comme l'ont souligné Irvine en 2004 et Jackson, en 2005. L'effet est durable. Ces chercheurs ont montré une persistance de la réaction positive du cours de bourse un mois après un changement de recommandation favorable et le maintient d'une attitude négative du marché six mois après une dégradation de la recommandation.

Que faut-il en conclure? Que les analystes ont finalement un grand pouvoir d'influence sur le marché, pas toujours pour de bonnes raisons. Mais aussi qu'il est dangereux de vouloir aller contre la tendance qu'ils déterminent. Plusieurs études ont montré qu'en agrégeant leurs recommandations (acheter les actions les plus recommandées à l'achat et vendre les plus recommandées à la vente) un investisseur peut espérer obtenir un surcroît de performance d'environ 4 points par rapport au marché. Certaines sociétés, comme Valquant, se sont spécialisée -avec succès semble-t-il - dans cette étude du suivi des analyses des bureaux analystes valeur par valeur.

 

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Arnaud Jeulin Responsable de la publication, Trader

Après un diplôme d'ingénieur, Arnaud a commencé une carrière de développeur. Il a travaillé avec des traders et des services de back office pour mettre en place des prototypes et des outils de trading. Il a ensuite créé sa propre entreprise en 2003.

Il a été responsable du webmarketing pour la Banque en ligne Suisse Synthesis, depuis rachetée par Saxo Bank. Il a aussi fait des audits pour différents brokers et participé à plusieurs salons professionnels pour les courtiers à Londres, Paris et Chypre.

Depuis 21 ans Arnaud a approfondi sa connaissance des brokers et des marchés, il utilise son expérience pour améliorer Mataf afin d'éviter d'orienter les visiteurs vers des brokers malhonnêtes ou des stratégies de trading dangeureuses.

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