La finance comportementale et la bourse

Il y aurait, en bourse, deux espèces d'investisseurs : les moutons et les éléphants.

Les premiers suivraient la tendance et les autres attendraient le moment idéal pour attaquer le marché. La bourse, en effet, est une activité sociale, qui implique le brassage et l'analyse, par des milliers d'acteurs, de milliers d'informations, qu'ils sont incapables d'ingurgiter totalement ou de manière parfaitement objective. La fameuse efficience du marché (toutes les informations sont contenues dans les cours), la théorie classique, a en effet été invalidée à de nombreuses reprises, car notre cerveau est influencé par des « biais ».

La finance comportementale étudie ces dysfonctionnements afin de tirer des enseignements et des règles fonctionnelles de ces « anomalies de marché ». Ces biais peuvent être cognitifs (des habitudes de pensée, l'incapacité à conserver la mémoire des effets d'un environnement macro-économique particulier...), émotionnels (peur, envie...), collectifs (mouvement d'opinion...) ou auto-réalisateurs (si tout le monde suit un conseil d'achat, le titre monte effectivement...).

Des conséquences énormes...

Une étude récente s'est intéressée au comportement des investisseurs sur le S&P500. Elle montre qu'entre 2008 et 2009, alors que l'indice avait chuté de 44%, il suffisait d'acheter pendant les deux dernières heures d'ouverture du marché, c'est-à-dire de 14 à 16 heures, à Wall Street, pour réaliser une performance de +35% !

Au contraire, un investisseur qui aurait acheté entre 9h30 et 14 heures aurait perdu 54%. Conclusion : le marché connaît des phases de déprime ou d'emballement qui n'ont rien à voir avec la réalité des informations qui lui sont fournies. L'étude montre que si le S&P a déjà gagné 1% à 14 heures, ceux qui achètent entre 14 et 16 heures réalisent une encore meilleure performance, puisque le gain monte, cette fois, à 74%.

L'homme (et notamment le trader) est donc avant tout un animal social, qui se nourrit du comportement des autres et subit son influence. Comprendre ces mécanismes nous permet d'échapper à leur influence et d'en profiter pour réaliser des transactions intéressantes.

Les zinzins aussi

On pourrait croire que les investisseurs individuels, qui disposent de sources d'informations plus réduites, d'un temps disponible inférieur et d'une formation moins poussée, sont plus sensibles à ces biais que les fameux Zinzins, les « investisseurs institutionnels » (compagnies d'assurance, banques, fonds de pension...), qui à travers leurs fonds d'investissement, peuvent représenter jusqu'à 90% des volumes des transactions.

Ce n'est pas vrai. C'es professionnels sont au contraire très moutonniers. Pour un Warren Buffett (gestionnaire du fonds Berkshire Hathaway et un des hommes les plus riches du monde), combien de gérants lambda, sans saveur et sans idée, qui se contentent de suivre le troupeau ? Ces Zinzins subissent en effet le biais d'auto-corrélation positive, que d'autres pourraient aussi appeler la méthode Coué appliquée à la bourse.

C'est ce qu'ont montré, par exemple, les professeurs Grinblatt, Titman et Wermers en 1995. Dans leur étude, ils prouvent que 77% (plus des trois-quarts !) des 274 fonds qu'ils ont étudié ont acheté des titres qui avaient sur-performé dans les derniers mois précédant leur achat ! En décembre 2002, deux autres professeurs, Badrinath et Wahal, ont montré que les 1 200 investisseurs institutionnels qu'ils avaient suivis achetaient quasi-systématiquement les titres qui s'étaient déjà appréciés lors des mois précédents.

Les leçons à en tirer

Pire : à très court terme, leur réaction n'est pas différente. Lorsqu'un titre monte ou baisse d'au moins 2%, ce sont eux qui réagissent les plus vite pour accompagner le mouvement. Et plus ils possèdent une part importante du capital de la société en question, plus leur réaction est importante et rapide. L'arrivée des automates boursiers et des programmes informatiques sophistiqués n'a pas inversé cette tendance. Sans doute pare que les concepteurs de ces programmes sont eux-mêmes... humains et leur ont donc inculqué les mêmes réflexes que ceux qu'ils auraient eu s'ils avaient procédé aux arbitrages !

Les investisseurs intelligents peuvent utiliser ces biais comportementaux pour réaliser leurs investissements. Mais il existe plusieurs stratégies : les principales sont celle de momentum (devenir -momentanément et en toute conscience- un mouton pour suivre le troupeau) et celle du contrarian (détecter ces biais et prendre le contre-pied pour jouer une réaction du marché). Toutes deux sont efficaces... à certains moments !

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Arnaud Jeulin Responsable de la publication, Trader

Après un diplôme d'ingénieur, Arnaud a commencé une carrière de développeur. Il a travaillé avec des traders et des services de back office pour mettre en place des prototypes et des outils de trading. Il a ensuite créé sa propre entreprise en 2003.

Il a été responsable du webmarketing pour la Banque en ligne Suisse Synthesis, depuis rachetée par Saxo Bank. Il a aussi fait des audits pour différents brokers et participé à plusieurs salons professionnels pour les courtiers à Londres, Paris et Chypre.

Depuis 21 ans Arnaud a approfondi sa connaissance des brokers et des marchés, il utilise son expérience pour améliorer Mataf afin d'éviter d'orienter les visiteurs vers des brokers malhonnêtes ou des stratégies de trading dangeureuses.

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