Les titres subordonnés : pas morts et investissement

Les titres subordonnés ont été créés en 1985. Ce sont un des produits obligataires les plus émis en France par les entreprises : entre douze et quinze milliards d'euros en moyenne par an depuis dix ans. Il en existe de trois types : les TDSI (titres subordonnés à durée indéterminée), les TSR (titres subordonnés remboursables) et les TSS (titres super-subordonnés). Leur point commun ? Une date de remboursement lointaine et un capital moins garanti qu'une obligation classique (en cas de dissolution de la société, les porteurs de ces titres sont remboursés après tous les autres). Mais en contrepartie, un taux d'intérêt très supérieur (jusque deux points) à celui d'une obligation classique.

Au coeur du débat sur la solidité des banques

Depuis quelques mois, ils sont au coeur du débat actuel sur la solidité des fonds propres. Car ces produits ont une particularité : ils étaient jusqu'alors considérés comme des quasi-fonds propres. Pour comprendre les enjeux - et les opportunités pour les investisseurs boursiers, qui sauront en tirer parti - il faut revenir à la notion de dette.

Il existe plusieurs types de dettes : sénior, junior ou subordonnée. Car tous les grands projets financés par emprunt font intervenir des préteurs dont les motivations ne sont pas toujours identiques. Les assureurs chercheront une garantie sûre sur les capitaux prêtés, quitte à accepter un rendement inférieur : ils souscriront de la dette « senior ». D'autres sont prêts à prendre davantage de risques en contrepartie d'un rendement plus élevé : ce sont les porteurs de dette junior. Il existe différents degrés de « juniorisation », qui dépendent des flux dégagés par l'opération financée.

Cette « juniorisation » des dettes prend la forme d'une « subordination » du remboursement. Dans ce cas, le préteur accepte d'être moins bien traité que les prêteurs les mieux traités (les « seniors ») en raison de conditions ou d'événements qu'il a accepté de subir. Ces contraintes peuvent inclure par exemple un versement des intérêts à l'échéance du contrat (versement « in-fine ») plutôt que chaque année. Si le prêteur accepte ces contraintes, c'est qu'il y trouve son intérêt. En effet, les détenteurs de dette junior bénéficient de plusieurs avantages par rapport aux détenteurs de dette senior. Le principal, c'est que son taux d'intérêt sera nettement supérieur à celui des préteurs classiques (entre 1,5 et 2 points de plus). Il peut aussi bénéficier d'autres avantages comme un remboursement partiellement en actions ou l'octroi d'options d'achat d'actions...

Des titres éjectés du Tier One

Les dettes subordonnées ont beaucoup servi à renforcer les fonds propres des banques. Elles leur évitaient de lancer des augmentations de capital, qui pouvaient leur faire perdre le contrôle sur leur entreprise. Et avaient l'avantage d'être, d'un point de vue comptable, considérés comme des quasi-fonds propres. Elles étaient donc particulièrement intéressantes, même du point de vue des ratios Cooke et MacDonough, qui mesuraient la solidité du bilan des banque en comparant le montant de leurs fonds propres et celui de leurs engagements.

Les fonds propres des banques et de l'ensemble des entreprises sont en effet divisés en différentes parties. Il y en a trois principales, que les anglo-saxons désignent sous le nom de « Tier ». Le Tier One en est le noyau dur : il comprend le capital social, les résultats mis en réserve, les intérêts minoritaires et les survaleurs, plus... les titres super subordonnés à durée indéterminée. L'ancienne réglementation prévoyait que ce Tier One devait être équivalent à 2% des fonds exposés.

Le Tier Two comprend le Tier One, auquel s'ajoutent des fonds de garantie, des provisions et des TSDI (titres subordonnés à durée indéterminée). Il devait dépasser les 4%. Le Tier Three comprenait les autres fonds propres et quasi-fonds propres et notamment les titres subordonnés avec une date d'échéance supérieure à 2 ans.

Mais l'affaire Lehman Brothers, première faillite d'une grande banque d'envergure mondiale, en 2008, a modifié la donne et les régulateurs ont cherché à analyser plus finement la solidité des bilans. Le Core Tier One des banques, c'est-à-dire les fonds propres au sens « pur et dur », devra ainsi passer à 9% d'ici juin 2011, comme l'a précisé l'Autorité bancaire européenne (EBA), en octobre 2011. Auquel s'ajoutera un « coussin de sécurité » couvrant les moins-values latentes sur les expositions souveraines. C'est ce que les banquiers -qui finalement, ne manquent pas d'un certain humour, on surnommé, à la manière d'une nième version de Windows, les accords de « Bale 2.5 » !

La solution qu'ont trouvée les banques pour augmenter leur ratio de fonds propres sur engagements est simple, mais couteuse : lancer des augmentations de capital. Du coup, elles ont cherché d'autres moyens de faire bouger leur ratio dans le bon sens. L'un de ces moyens, c'est le rachat de dette subordonnée. On estime qu'environ 40% des titres subordonnés disposant d'options de sortie ne répondent plus aux nouvelles exigences et ne peuvent plus être comptabilisés comme fonds propres. Les banques se sont donc lancée dans une vague de rachat de Titres subordonnés pour les remplacer par d'autres titres acceptés dans le Core Tier One. Ou même pour les échanger contre des actions.

Elles le font d'autant plus volontiers qu'elles peuvent faire des gros profits sur cette opération. En effet, les titres subordonnés sont considérés comme du papier bancaire et sont maltraités en bourse. Ces titres sont donc décotés de 50 à 80% par rapport à leur nominal. BPCE en octobre 2011 a, par exemple, racheté à bon compte plusieurs lignes de sa dette hybride perpétuelle. Ce rachat lui a permis d'effacer une dette de 100 en la payant 30 à 50% moins cher que si elle avait attendu son échéance, ce qui lui a permis de dégager aussitôt 382 millions d'euros de gain.

Pour l'investisseur, c'est l'occasion de prendre position sur des titres décotés en profitant soit d'un rendement élevé, soit d'une opportunité de rachat avec prime. Soit, enfin, d'un remboursement au pair avec de confortables plus-values. On pourrait croire que le futur des Titres subordonnés est bouché : pas du tout. L'EBA va autoriser les banques à émettre à de nouveaux titres perpétuels hybrides Tier one. Baptisés BCCS, ils seront convertis obligatoirement en capital si le Core Tier one passe sous les 7 % avant 2013. On n'a donc pas fini d'entendre parler des Titres subordonnés... 

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Arnaud Jeulin Responsable de la publication, Trader

Après un diplôme d'ingénieur, Arnaud a commencé une carrière de développeur. Il a travaillé avec des traders et des services de back office pour mettre en place des prototypes et des outils de trading. Il a ensuite créé sa propre entreprise en 2003.

Il a été responsable du webmarketing pour la Banque en ligne Suisse Synthesis, depuis rachetée par Saxo Bank. Il a aussi fait des audits pour différents brokers et participé à plusieurs salons professionnels pour les courtiers à Londres, Paris et Chypre.

Depuis 21 ans Arnaud a approfondi sa connaissance des brokers et des marchés, il utilise son expérience pour améliorer Mataf afin d'éviter d'orienter les visiteurs vers des brokers malhonnêtes ou des stratégies de trading dangeureuses.

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